Macron est déconnecté des réalités françaises ce qui fait craindre le pire.

Par Éric Verhaeghe



Crise des institutions: le Brésil en avance sur la France?

Nous aurions évidemment pu titrer aujourd’hui sur la réforme des retraites, annoncée alors que les profits boursiers atteignent des records. Mais il nous était impossible de ne pas commencer par vous parler du Brésil et de cette prise de possession des lieux de pouvoir, de façon pacifique, dans la journée d’hier, pour protester contre l’investiture du président Lula. Un avant-goût (sur lequel nous reviendrons dans la journée) de ce qui pourrait se passer en France ?

Macron cherche-t-il à mettre le pays à feu et à sang ? Ou bien est-il trop déconnecté des réalités pour comprendre ou mesurer les risques qu’il prend en réformant les retraites sans véritable préparation et sans véritable travail d’explication ? Toujours est-il que le moment choisi pour réformer dans ce domaine sensible est probablement le pire.

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Des profits records pour les actionnaires

Comme l’indique le site Vernimmen, les dividendes distribués en 2022 atteignent le chiffre historique de 80 milliards. Le site financier insiste sur les bienfaits de ces dividendes en termes d’emploi :

Une nouvelle fois, les chiffres démontrent la fausseté de l’affirmation à l’emporte-pièce qui voudrait que plus de retours aux actionnaires soit mauvais pour l’emploi. Si les retours à l’actionnaire sous forme de dividendes et de rachats d’actions sont en progression de 75 % depuis 2017, l’emploi des groupes du CAC 40 a progressé sur la même période de 13 % et a franchi la barre des 5 millions de salariés dans le monde.Vernimmen.net

Mais ce plaidoyer est tout sauf audible dans un monde où les pénuries se multiplient, où les factures de chauffage augmentent, où la santé est à genoux. Disons-le : les records en matière de dividendes sont un suicide politique organisé par le CAC 40, à un moment où le gouvernement multiplie les messages de solidarité. Solidarité avec l’Ukraine, après la solidarité avec les soignants et avec les victimes du confinement. Comment expliquer que certains doivent porter des pulls à col roulé pour économiser le chauffage, quand d’autres se gavent sans vergogne ?

Et la réforme des retraites accouche par le siège

Donc, demain, Elisabeth Borne doit tenir une conférence de presse pour dévoiler son projet de réforme des retraites, dont on connaît en réalité les principales lignes. L’âge de départ serait reporté à 64 ans, avec un allongement progressif des durées de cotisation. Visiblement, ce projet est très mal préparé et par ailleurs très mal expliqué, à commencer par les députés Renaissance qui devront le voter sans que personne n’ait pris la peine de les associer à la réforme. Dans cet ensemble, les tergiversations d’Emmanuel Macron sont très mal perçues, et beaucoup s’attendent à de fortes secousses, y compris dans la rue.

Dans la forme, le projet sera porté par une loi de financement de la sécurité sociale rectificative, qui laisse la possibilité d’actionner le 49-3 sans griller de cartouche. Le gouvernement semble espérer un vote des républicains, traditionnellement partisans d’un report à 65 ans… Mais la ligne Ciotti semble tout sauf claire, et certains parient sur un lâchage en rase campagne.

De son côté, la CFDT a annoncé qu’elle combattrait la réforme : Macron devrait donc être bien seul dans l’adoption de cette mesure très impopulaire.

Au Brésil aussi tout allait bien apparemment….

Ce qui se passe au Brésil est emblématique de la crise de la légitimité dans toutes les grandes démocraties Evidemment, les médias subventionnés sont à l’oeuvre pour vous raconter une histoire convenue: on assisterait ce jour au Brésil à une répétition de ce qui s’est passé au Capitole en janvier 2021: une tentative de renverser par la force les institutions parlementaires. Et les gouvernants de l’UE d’entamer une litanie de condamnations à commencer par Emmanuel Macron. Le problème de ce récit très stéréotypé, c’est qu’il ne correspond en rien à la réalité. Ni aux Etats-Unis ni au Brésil il n’y a eu de « coup d’Etat »: Donald Trump et Jair Bolsonaro ont respecté le fonctionnement légal des institutions. Et, dans le cas américain, on a, deux ans plus tard, un changement de majorité à la Chambre des représentants avec un nouveau « speaker », Kevin McCarthy, qui vient de tenir un premier discours aux accents très trumpiens (enquêtes sur la corruption, rendre les institutions de Washington au peuple, lutte contre l’immigration sauvage à la frontière avec le Mexique).

Nous l’avions dit à nos lecteurs: au Brésil, la situation n’est pas identique à ce qui s’est passé aux Etats-Unis fin 2020. Donald Trump avait très largement gagné les élections et il y a eu une fraude avérée pour faire basculer cinq ou six Etats et le priver d’un second mandat. Au Brésil, la course entre Lula et Bolsonaro a été très serrée. L’Etat de Minas Gerais donne toujours le résultat – Lula y a emporté d’une courte tête. Cependant, la crise de la légitimité est là aussi.

Il y a suffisamment de partisans de Bolsonaro pour penser que l’élection leur a été volée. Pour l’instant, nous n’avons vu aucune preuve de fraude convaincante. En revanche, il est certain que le code électoral n’a pas été respecté en amont dans le Nordeste – bastion de Lula: les tracts électoraux de Bolsonaro n’y ont pas été distribués partout. Et puis, surtout, ce que les Brésiliens en colère reprochent à l’establishment, c’est d’avoir instrumentalisé la justice en faisant sortir Lula de prison et en l’acquittant de manière hâtive malgré la gravité des chefs d’accusation qui pesaient sur le président des années 3003-2011 (à commencer par la corruption personnelle en échange de l’attribution de marchés à Petrobras). La réalité de la présidence Lula se trouve plus dans la série de Netflix O mecanismo que dans la légende héroïque à laquelle s’accroche la gauche occidentale. Voilà pourquoi des dizaines de milliers de Brésiliens campent, depuis des semaines, devant les casernes de l’armée, demandant à cette dernière d’intervenir pour réclamer un audit des élections.

Pour beaucoup de Brésiliens – qui ont apprécié Bolsonaro exactement comme beaucoup d’Américains ont apprécié Trump, très loin des portraits caricaturaux de nos médias subventionnés – tout s’est passé comme si le Tribunal Suprême Fédéral avait fait en sorte de casser le cours normal de la justice dans les affaires Lula, afin de faire battre Bolsonaro. Lula restait en effet populaire malgré sa corruption dans une partie des classes populaires; et lui seul avait le talent politique pour battre Bolsonaro. De là à soupçonner que les manipulations ne se soient pas arrêtées à la porte des bureaux de vote, il n’y a qu’un pas… Dimanche 8 janvier, alors que Lula est déjà président depuis quelques jours, la confrontation est montée d’un cran: des milliers de Brésiliens ont pénétré dans les bâtiments des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, à Brasilia, pour réclamer qu’on leur donne le « code source » des logiciels qui ont décompté les voix lors des élections: « Queremos o codigo fonte. We want the code source » dit une banderole bilingue déployée sur le Parlement. .

Le dimanche 8 janvier au soir, Lula crie à la tentative de coup d’Etat fasciste. Mais la situation est très étrange: l’armée reste neutre et des hommes de troupe sont interposés entre la police et les manifestants. Il semble qu’il y ait eu un peu de dégâts matériels mais les manifestants n’ont commis aucune agression contre des personnes. (il faudra voir, d’ailleurs, dans quelle mesure les dégâts matériels sont le fait d’antifas infiltrés dans une foule pacifique)

La gauche ne comprend plus rien au monde dans lequel elle vit. A moins qu’elle soit complice de l’establishment mondialiste. Depuis les élections du printemps 2022, en France, nous avons vu se mettre en place le « macro-mélenchonisme ». A chaque fois que la NUPES pourrait faire alliance avec le Rassemblement National pour mettre en échec le gouvernement, elle préfère soutenir ce dernier, au nom de la lutte « contre l’extrême droite ». Au Brésil, c’est un establishment de profil « macronien » qui a pris les moyens de faire battre « l’extrême-droite » en imposant une sorte de Mélenchon (en plus travailleur et plus doué). Dans les deux cas, le résultat est le même : la confiance dans les institutions est profondément ébranlée.

On sent dans la réaction du gouvernement français le 8 janvier au soir face aux événements du Brésil une indéniable nervosité. Car, ne nous y trompons pas: les manifestants du Brésil qui ont pénétré, ce dimanche 8 janvier, à la Présidence, au Parlement et dans le Tribunal Suprême Fédéral n’ont pas des comportements de putschistes. Regardez les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux. On est très loin de l’atmosphère de fin du monde évoqués par des médias hystériques. Il y a foule. Elle est calme. Et, en se promenant dans des palais officiels désertés, elle souligne surtout la fragilité du gouvernement en place. Il se dit, d’ailleurs, sans que l’information puisse être vérifiée, que Lula a quitté Brasilia pour Sao Paolo – quel symbole: le président socialiste a trouivé refuge dans la capitale financière du pays tandis que la droite des classes moyennes entrepreneuriales réclame la publication détaillée des mécanismes de décompte des voix! Au moment où nous bouclons ce briefing matinal, il semble que la police fédérale ait repris la maîtrise des bâtiments publics mais la crise de légitimité que nous pronostiquions au lendemain de l’élection de Lula est bel et bien installée.

Éric Verhaeghe

Copyright Le Courrier des Stratèges dirigé par Eric Verhaeghe

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