De l’or bleu pour obtenir de l’or noir…

Par Sandra Freyburger


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En ce 22 mars 2022, une dizaine de participants prennent place autour d’Alexis Zajdenweber, l’un des principaux spadassins d’Emmanuel Macron*. Conseiller en économie, finances et industrie du président de la République depuis l’élection de mai 2017, Zajdenweber prendra bientôt les commandes de l’Agence des participations de l’État (APE). Pour l’heure, il reçoit dans le secret des murs de l’hôtel de Marigny, une petite merveille architecturale de style néo-XVIIIe devenue, à l’initiative du président Georges Pompidou, l’annexe du palais de l’Élysée. Le mini-symposium ne figure pas à l’agenda officiel. Et pour cause, l’enjeu est pour le moins sensible : eau douce française contre hydrocarbures étrangers, comme le révèle Marianne.

« On n’a pas parlé de pétrole à l’Élysée, pas une seule fois ! Nous n’avons parlé que d’eau » nous assure cependant l’ambassadeur du projet, Xavier Houzel. Si son nom est inconnu du grand public, il fait office d’incontournable intermédiaire pour ouvrir les plus inaccessibles portes au sommet de l’État. Négociant international d’hydrocarbures, ce vieux routier du business international sillonne les routes de l’or noir depuis le début des années 1970 et dispose d’un carnet d’adresses sans pareil. Il a longtemps dirigé la seule entreprise française indépendante de trading pétrolier, Carbonaphta. De quoi baguenauder partout où les intérêts de la France étaient en jeu, du Congo à l’Arabie saoudite, en passant par l’Irak, la Syrie ou encore l’Iran.

Il ne lui aurait pas fallu plus de quarante-huit heures pour monter le concile de l’hôtel de Marigny et présenter, avec ses camarades, ce curieux projet aux plus hautes autorités de l’État. Pour convaincre Alexis Zajdenweber et les quatre conseillers issus de différents ministères présents à la réunion, selon Houzel, ce dernier est venu accompagné. À son côté figure notamment la tête pensante du projet, Claude Rouy, ancien directeur d’hôpital public désormais reconverti comme consultant qui se targue de connaître comme sa poche la région Paca et les problématiques de l’étang de Berre. Ils sont venus avec un avocat belge spécialisé en législation internationale et par ailleurs lobbyiste auprès de la Commission de Bruxelles ainsi qu’avec un spécialiste en infrastructures et transport maritime.
Un coup à trois bandes

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La plaquette de présentation du projet, que Marianne a pu consulter, porte l’en-tête de Carbonaphta, confortant la crédibilité du projet. Elle précise notamment les volumes d’eau douce française pouvant être acheminés, en nombre de navires, chaque jour hors de nos frontières. Dix-neuf tankers de 200 000 m3 partiraient ainsi quotidiennement de Fos-sur-Mer (13) tandis que des bateaux de plus faible capacité embarqueraient à quelques kilomètres de là, à Martigues, depuis le port de Lavéra : 48 tankers de 80 000 m3. Il ne s’agit encore que de petits dessins sur l’une des pages de la plaquette, qui chiffre à 185 000 € l’étude de faisabilité. Le coût du projet est, lui, pour l’heure, évalué à 300 millions d’euros. Son financement, nous affirme-t-on, serait bouclé.

L’eau dont il est question provient de la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas, inaugurée en 1966. Si ce n’est pas la pierre philosophale, il s’agit bien de transformer cette eau douce – qui permet déjà de produire de l’électricité en transitant par cette centrale hydroélectrique située en surplomb de l’étang de Berre – en hydrocarbure. De l’or bleu pour obtenir de l’or noir… Ici, les eaux de la Durance qui dévalent les Alpes depuis le lac artificiel de Serre-Ponçon, avant d’être rejointes au niveau de Cadarache par celles du Verdon, achèvent leur course et livrent leurs dernières forces motrices. Seul hic, l’étang de Berre, le plus grand lac salé d’Europe, vit mal cet apport d’eau douce. Conséquence ignorée ou mésestimée par les ingénieurs des années 1960, son écosystème se trouve profondément perturbé par ces déversements d’eau quasi minérale, lesquels font tourner les turbines des barrages EDF. Depuis des décennies, des associations se battent contre l’électricien pour réduire ces rejets d’eau douce. Elles ont obtenu gain de cause et, notamment, la condamnation, par l’Union européenne, d’EDF à réduire de 50 % le débit de la centrale de Saint-Chamas. « Le cadre réglementaire de la concession de l’aménagement de [la centrale] Salon/Saint-Chamas a évolué par décret en 2006 » précise EDF à Marianne.

Cette restriction du volume d’eau que la centrale de Saint-Chamas peut « turbiner » résulte d’un accommodement avec Bruxelles. De 4 milliards de m3 potentiellement source d’électricité pour les Français, la centrale ne dispose plus que d’une autorisation pour 1,2 milliard. « La valeur de 1,2 milliard de m3 est un quota maximal annuel strictement respecté par EDF et [il est] atteint certaines années en fonction de la ressource en eau disponible et des besoins du réseau électrique » déclare l’énergéticien. Ces dernières années, la centrale ne voit plus débouler que 954 millions de m3 en moyenne, comme le souligne le récent rapport de la mission d’information parlementaire sur la réhabilitation de l’étang de Berre, dont le député (Renaissance) Jean-Marc Zulesi était le rapporteur. En 2022, en raison des vagues de sécheresse notamment, le rythme annuel est proche de 600 millions de m3. Résultat : on relance des centrales à charbon qui crachent du dioxyde de carbone plutôt que de déverser l’eau douce dans l’étang de Berre.

Retour à notre réunion élyséenne de mars 2022. Autour de la table, personne n’ignore l’enjeu que ces presque 700 GW de puissance électrique non exploités constituent, en cette période de disette en électricité – d’autant qu’une bonne moitié de nos réacteurs nucléaires sont à l’arrêt. La solution clé en main qui est proposée au discret aréopage réuni à l’hôtel de Marigny permettrait de produire l’équivalent de la production d’une centrale nucléaire. Mais ce projet est un coup de billard à trois bandes. D’une part, évacuer l’eau douce telle qu’elle se présente à la sortie des turbines de l’usine EDF de Saint-Chamas lui permettrait de fonctionner à 100 % ou presque – et de produire 850 GWh/an, soit l’équivalent de la consommation de la ville de Rennes, tous secteurs confondus. D’autre part, la capter permettrait de préserver l’étang de Berre. Enfin, l’opération – folle sur le papier – permettrait de valoriser ces milliards de m3 d’eau quasi potable en les exportant vers des pays intéressés.

Des contacts ont déjà été pris au fil des voyages de Xavier Houzel. « L’éventail est très large, il va du Maroc à la Somalie en passant par l’Égypte, l’Algérie et l’Iran, où des gens meurent de soif alors que nous gaspillons cette eau » nous confie-t-il. « L’eau est désormais cotée sur certains marchés, c’est devenu une valeur marchande comme toute autre denrée, tels que le bois, le blé ou l’hydrogène » argue le négociateur. Qui ajoute : « Mais est-ce moral pour la France de gagner de l’argent avec l’eau des rivières ou du ruissellement ? Non. Il est néanmoins immoral de la jeter, a fortiori quand on vous demande de l’acheter à prix coûtant. » Et de glisser à Marianne : « La solution peut résider dans le troc. Si on nous propose du lin ou du coton en échange de cette eau douce, on prendra ça. Ce sera un échange de bons procédés… »

Les porteurs du projet ont bien identifié l’énormité de leur proposition. Et tentent de déminer les réticences en tendant la main aux acteurs locaux. « L’eau qui alimente la centrale de Saint-Chamas est de très bonne qualité souligne Houzel. On la considère aujourd’hui comme un déchet car elle détruit l’écosystème de l’étang de Berre. » Il insiste : « Or cette eau doit d’abord assouvir les besoins locaux, par la mise en bouteilles ou la création de réservoirs tampons destinés aux villes avoisinantes ou aux agriculteurs. Une fois ces besoins satisfaits, si l’on pouvait faire tourner Saint-Chamas à 100 % de ses capacités, cela laisserait encore un grand volume d’eau disponible. »

Premier concerné, EDF passe son tour. Les huiles de l’électricien ont été conviées à l’hôtel de Marigny, le 22 mars, mais leur grand patron, Jean-Bernard Lévy, a fait passer la consigne : personne n’y va. « À l’Élysée, on ne nous a pas non plus forcé la main, même s’ils semblaient favorables sans être totalement convaincus » confie à Marianne l’un des hauts cadres d’EDF. Qui souffle : « On pense avoir torpillé le truc. »

Sandra Freyburger

« Entre liens d’intérêts, conflits et corruption il n’y a qu’une ligne rouge »

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4 thoughts on “La guerre de l’eau aura bien lieu”
  1. J’ai beaucoup aimé votre article Sandra Freyburger , qui m’ a abondamment abreuvé d’informations vraies que j’avais recueillies trop partiellement, dès le mois 2022.
    Cependant, la plupart de mes amies et amis ne voulaient pas me croire.
    Mais aujourd’hui, suite à la lecture de votre article : ” de l’or bleu pour obtenir de l’or noir “, j’ai déjà reçu , en retour, plusieurs milliers de messages de mes correspondants, maintenant, ils savent tout et vous croient, que ce fut dans le secret des conversations à l’Hôtel de Marigny, qu’un ex -énarque, du nom de Macron , a troqué des “tankers de bassines gorgées d’eau douce – Made in France” , pour des ” tankers remplis de potentielles “marées noires” .
    Heureusement que Macron a des idées….que nous n’avons pas.
    Sauf que nous avons été prévenus par nos gouvernants, et nos médias: ” nous manquerons d’eau en France ! ”
    Coluche avait raison de dire : ” Un énarque , c’est un gars que tu lui donnes le Sahara à gérer , au bout de quelques mois il faut qu’il achète du sable . “

  2. Après les ermons écologiques, voici celui sur l’eau et à chaque fois, on est pris pour des abrutis par la caste.

  3. Et hop ! Avec Macron, nouveau sujet égale nouvelle augmentation des taxes. C’est systématique, donc après les énergies voici l’eau.

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