Interview par Valeurs Actuelles de Denis Tillinac pour son livre “l’âme française”
L’âme française
L’entretien : Denis Tillinac. Président d’honneur des rendez-vous de Béziers, auteur de “l’Âme française” (Albin Michel), l’écrivain et chroniqueur à “Valeurs actuelles” lance un appel au sursaut. Les questions sont en gras.
Dans votre livre, vous mettez à l’honneur les grandes figures de l’inconscient de la droite. Est-ce un catéchisme pour électeurs perdus ?
Dans la vie intellectuelle, morale, éthique de ce pays, il y a une prépondérance de la gauche depuis la Libération. Dans le monde pédagogique, universitaire, médiatique, dans les grands corps de l’État, dans le tissu social, cette domination a pris deux formes : l’hégémonie stalinienne jusqu’aux années soixante, puis l’influence des déconstructeurs, Derrida, Foucault, Deleuze. Mais cette prépondérance a pris fin. Les soixante-huitards sont devenus des bobos égocentrés, sceptiques, cyniques ; égoïstes, jouisseurs et hédonistes. Avec la génération Hollande, il n’y a plus que le cynisme sans le talent de Mitterrand, donc plus rien. Le moment est donc venu d’une alternative. Mais la gauche, qui est mal en point, n’est pas morte : elle a ses grands ancêtres, ses lieux de mémoire, ses rites. Il y aura toujours des AG, des motions, des congrès, des défilés du 1er mai, des roses au Panthéon, des invocations des Lumières, de Jaurès, Blum, Mitterrand, du Che, le sourire de Cohn-Bendit sur les barricades. Mon idée est que la droite, elle aussi, dispose d’une symbolique et d’un imaginaire, mais qu’elle l’occulte.
Parce qu’elle est soumise à la doxa culturelle de la gauche ?
Parce que les derniers soixante-huitards sont dans la classe politique de droite ! Rien ne sépare, entre autres, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Benoist Apparu de Macron, sinon les circonstances qui les ont menés chez Hollande ou dans la sphère chiraquienne. C’est une question de formation : les énarques, les technos et les juristes sont plus ou moins soumis au diktat de Bruxelles et captifs de ce qu’ils appellent la modernité sociétale. La modernité, contrefaçon d’une espérance en l’avenir, est un concept de gauche. On supprime les couples historiques qui ont structuré notre civilisation : le bien et le mal, le beau et le laid, le juste et l’injuste, le vrai et le faux, par le couple branché-ringard. Avec ce livre, j’ai juste voulu redonner à la droite les références qui sont les siennes mais qu’elle ignore. C’est Camerone, la crypte de Saint-Denis, les hussards des années cinquante, Gabin, Tintin, Arsène Lupin, ce mélange de gouaille, de désinvolture et d’aristocratisme de l’âme. C’est le moment; l’histoire ne repasse pas les plats.
En ressuscitant les grandes figures de la droite, vous dressez une liste des traits de caractère propres à l’homme ou à la femme de droite…
La droite n’est pas l’homothétique de la gauche, elle est rétive à la doxa, qui est de gauche depuis les Lumières, et ce pour des raisons parfois esthétiques, parfois morales, parfois métaphysiques. Contrairement à la “macronite” à la mode, je crois à la pertinence et la pérennité du clivage gauche-droite, même si les idées se déplacent. Parmi ces traits de caractère, il y a la gratuité. Il peut y avoir un projet politique derrière, mais quand Saint-Ex ou Mermoz offrent leur vie, donnent leur peau pour la France, “toujours plus haut, toujours plus loin”, c’est une attitude de bravoure, un défi lancé à l’ordre du monde. Ajoutons-y le panache, l’honneur, le tragique, cette manière de savoir mourir. Le drame est à gauche, la tragédie plutôt à droite. Et puis le serment des mousquetaires de Dumas, « Un pour tous, tous pour un », cette manière de toujours faire prévaloir une amitié privée sur une affinité idéologique ou partisane. Ça, c’est de droite. Un héros de gauche est toujours assujetti à une idéologie. Prenez la révolution castriste, Guevara a agi en conformité avec une idéologie et selon une stratégie définie par les Soviétiques.
Vous évoquez aussi les notions d’héritage, de tradition, de transmission…
Il ne faut pas les diviniser, mais une maison qui passe de père en fils, ça a de la dignité, de la noblesse, parce que les âmes des ancêtres rôdent dans la demeure. Ce qui est capital, c’est la mémoire et la transmission. L’homme n’est pas un individu hors-sol, un ensoi dont l’émancipation aboutirait à la solitude. Il existe un capital génétique de notre civilisation, de notre patrie, la France, de notre religion, le catholicisme romain, même si l’on n’est pas croyant. C’est notre culture. Si on renonce à ça, il n’y a plus de France.
On retrouve dans l’Âme française ce qui caractérise votre style, un côté irrégulier, hussard, mousquetaire. Pour réussir, la droite doit-elle être rebelle ?
Oui, car nous vivons dans un univers où les enseignants, les universitaires et les écoles de journalisme fabriquent du soixante-huitard tardif. Mais elle court le risque de dégénérer en “moraline”. Surtout pas ! Que la droite soit frondeuse. La gauche est disciplinée ; la droite ne peut pas l’être. Surtout, le débat démocratique gagnerait en clarté si la droite s’assumait. La gauche l’accuse en permanence d’incarner la répression, le conformisme, la bigoterie, le fric, et prétend défendre la liberté, la créativité, l’innocence, la pureté, la France des pauvres et des réprouvés. Elle revendique un magistère moral. C’est une imposture, car il y a longtemps qu’elle ne le mérite plus. Mais la mémoire n’est pas courte, et dans l’imaginaire collectif, les luttes sociales du XIXe siècle donnent encore le sentiment que la gauche est du côté des opprimés. Pour qu’il y ait égalité sur le terrain moral, la droite peut revendiquer les valeurs de la chevalerie et le respect de la mémoire. Il y a actuellement une fenêtre de tir, qui ne durera pas longtemps.
Tous les candidats à la primaire de la droite n’ont aujourd’hui qu’un mot à la bouche : alternance. Vous appelez de vos voeux une “alternative”. Quelle différence ?
Une véritable alternative procède d’une autre vision de l’homme face à son destin et de l’homme dans la cité. Elle permet de refonder le rapport aux médias, l’aménagement du territoire, la diplomatie, la pédagogie… Elle doit permettre de cesser de dire à la jeunesse que le seul facteur de réussite est professionnel, passe par le fric ou la notoriété médiatique. Quand on dit au peuple le plus civilisé de la terre : “Travailler plus pour gagner plus”, c’est peut-être raisonnable économiquement, mais cela ne satisfait pas les esprits et ne peut pas exalter les coeurs vaillants.
Malgré la faiblesse de Hollande, la droite est mal en point. Quel est son péché originel ?
D’avoir créé l’UMP en 2002, qui est un déni de mémoire ! Auparavant, on marchait sur deux jambes, avec l’UDF et le RPR : la droite bonapartiste et la droite orléaniste. Elles se détestaient, mais les reports de voix étaient excellents, et elles gouvernaient ensemble, comme les socialistes et les communistes. On a décidé en 2002 de ne plus se référer à notre histoire politique, d’imiter la CDU allemande et les tories britanniques. On a créé ce parti fourre-tout, et un jour, dans les locaux de l’ancien RPR, on a vu les portraits de Jean Monnet et Robert Schuman à côté de ceux de De Gaulle et Malraux. Ça a rendu tout le monde mal à l’aise. On a créé l’UMP pour tuer Bayrou, et Bayrou subsiste. On a libéré de l’espace à droite, et, puisque la troupe est plutôt souverainiste alors que les élites sont très majoritairement fédéralistes et européistes, une petite partie part chez Dupont-Aignan, les autres vont chez Marine Le Pen. Les Républicains sont un parti sans âme.
Souhaitez-vous son explosion ?
Il faut une recomposition. Les centristes sont respectables mais ils seraient mieux dans leur peau à l’intérieur d’un parti de centre droit libéral, plutôt européen, plutôt porté sur l’économie mondiale, en phase avec la classe moyenne supérieure. Il y aurait de l’autre côté un grand parti populaire qui représenterait les classes moyennes inférieures en voie de prolétarisation et les classes populaires issues d’une ruralité hélas agonisante. C’est ainsi et pas autrement que le FN perdra éventuellement des électeurs.
Justement, vous parlez de la droite mais assez peu du FN. En fait-il partie ?
Le FN n’est plus un parti d’extrême droite. Il l’a été du temps de Jean-Marie Le Pen, à son corps défendant peut-être. Le Pen avait récupéré des pétainistes mal repentis, des nostalgiques de l’Algérie française et des catholiques intégristes. Pot-pourri. Avec la complicité active de Mitterrand, il a prospéré grâce à la proportionnelle couplée aux conséquences du regroupement familial. Aujourd’hui, le FN est l’allié le plus fidèle, le plus constant et le plus évident de la gauche, un glacis stérile qui sert la soupe aux socialistes. Mais il n’y a rien d’inéluctable. Marine Le Pen perd des électeurs quand elle parle. Il suffit qu’elle se taise pendant quelques mois et le FN grimpe mécaniquement. Pour le bonheur des Républicains, elle parle de temps en temps, et l’on voit alors le grand écart entre son programme économique, le même que celui des communistes des années soixante, et l’invocation à la souveraineté et la dénonciation des flux migratoires. Cela tient pour l’instant, car on ne vote pas pour que Marine Le Pen soit présidente de la République mais juste pour renverser la table et redistribuer les cartes.
L’immigration, justement. Tout porte à croire que la question identitaire sera le grand débat de la prochaine échéance présidentielle. Quel discours la droite doit-elle tenir ?
On est passé d’un million et demi de musulmans français, qui étaient en bonne voie d’assimilation, qui souvent faisaient baptiser leurs enfants et, quand ils accédaient à la classe moyenne, les envoyaient dans les écoles catholiques. Ils avaient le sens de la famille, de l’autorité, d’une certaine rigueur. Ils sont aujourd’hui 5 ou 6 millions, il y a donc un problème de nombre. La France n’est pas un pays d’immigration comme le Brésil, l’Australie, le Canada ou les États-Unis. Elle est un pays qui a toujours accueilli des étrangers. Mais elle ne les intègre pas, elle les assimile, nuance. C’est une broyeuse. Si on veut qu’une minorité soit traitée fraternellement, il faut que la majorité silencieuse soit assurée de sa supériorité symbolique.
Le Français présent sur notre sol depuis au moins deux générations doit se sentir totalement chez lui. Quant aux confessions, elles sont peut-être égales devant la loi, mais pas dans la mémoire. Un peuple doit accueillir qui il veut, quand il le veut, dans les conditions qu’il souhaite, sinon ce n’est plus un peuple mais un agrégat, avec tous les risques du multiculturalisme. Il y a une part de fantasme dans la peur de l’immigré, mais un fantasme est un fait politique, l’homme d’État doit le prendre en compte. À titre individuel, le chrétien a un devoir de compassion, par exemple vis-à-vis d’un réfugié, comme l’a indiqué le pape François. L’homme d’État a le devoir de ne jamais céder à la compassion. C’est la part tragique de son sacerdoce, il doit l’assumer. Sinon, qu’il aille dans une ONG, ou qu’il rentre chez les bénédictins.
Entretien accordé à Valeurs Actuelles
L’Âme française, de Denis Tillinac, Albin Michel, 256 pages, 18,90 €.
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Vidéo de Vigilance Halal par Alain de Peretti :
https://www.youtube.com/watch?v=7r9zxIK7g5c&feature=share
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TRES Belle Analyse Monsieur que vous faites de La Droite..Oui et nous faisons Parti,, de ces Rebelles qui quand on ne Trouve pas notre ideale qui est Bafoue , on essayes d etre nous meme pour trouver notre place ..et exiger d etre respecter…Le RESPECT en FRANCE est absent que ce soit pour tout les Francais .. pourtant petite c est la premiere chose que nous apprenions a l ecole …mais que l on se rassure nous ne sommes pas des rebelles Violents tes..pour nous c est le respect de notre facon de penser et de voir l Avenir ..En France aujord hui c est la VIOLENCE GRATUITE qui Prime .. Mais celle ci n est pas GRATUITE pour tout le Monde..Et pourtant que il est Agreable de vivre dans la Paix et le sourire des citoyens…
J’aime beaucoup ce qu’écrit Denis Tillinac et l’âme française est un excellent livre que je recommande. Bravo pour avoir mis la vidéo de Vigilance Halal aussi qui fait un travail difficile et formidable.
En un mot: “c’est bordélique, ou c’est le bordel…”
L’âme française sent mauvais en ces temps gauche droite…c’est toujours bla bla, blablabla, bla bla, ou paroles paroles et paroles…..