[Une prof en France]
Virginie Fontcalel
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Après l’abandon du stylo-plume, la suppression des mains ?
[Une prof en France]
En ce temps de Noël, certains d’entre vous vont sûrement sacrifier à la traditionnelle carte de vœux que l’on adresse à nos proches en l’ornant de notre plus belle écriture. Et pour beaucoup d’entre vous, cela fait peut-être assez longtemps… que vous n’avez pas tenu un stylo pour écrire quelques mots à la main. C’est comme le vélo, cela ne s’oublie pas. Pour autant, force est de constater que toutes les écritures ne se valent pas. Une écriture comporte plusieurs dimensions : sa lisibilité, sa fluidité, son esthétique mais aussi sa conformité avec une norme nationale. Et comme l’État est vraiment pour nous un père aimant et plein de sollicitude, il s’est penché sur la question de l’écriture cursive. Mais oui, mais oui. Au milieu des 2.000 priorités de l’école en perdition, le ministère a mandaté une équipe pour réformer les normes de l’écriture telles qu’on les enseigne en primaire.
Je ne parle pas ici du débat qui agite depuis plus de dix ans les partisans de l’écriture scripte et les défenseurs de l’écriture cursive. Depuis que 45 États américains sur 50, et la Finlande, ont sorti l’écriture cursive des enseignements obligatoires, le débat est vif. La question que je soulève porte sur l’écriture cursive, exclusivement, celle qu’en France on a l’habitude d’apprendre grâce à la réglure Seyès inventée en 1892 par Jean-Alexandre Seyès, et que nous sommes les seuls à utiliser. Grâce à elle, nous avons des lettres de trois hauteurs différentes : un interligne pour la plupart des lettres, deux pour le d et le t, trois pour les grandes boucles du b, du f, du l, du h et du k. Et parfois on descend, mais toujours de deux interlignes (f, g, j, p, q, y, z).
Donc adieu la boucle du b, du f, du o…
Qu’est-ce qui change, dans les nouvelles préconisations de l’Éducation nationale ? Il paraît que les œilletons entraînent des confusions. L’œilleton, c’est la petite boucle qui permettait de faire le demi-tour quand on écrivait à la plume, pour un o, un r, un b ou un v, par exemple. On nous demande de ne plus l’enseigner aux enfants. De toute façon ils écrivent au stylo-bille, ils peuvent donc aller dans tous les sens sans difficulté et faire des décrochés nets. Donc, adieu la boucle du b, du f, du o, du r, du s, du v, du w et du z… En parlant de décroché, exit, aussi, celui du e. Vous vous souvenez ? On faisait un petit trait qui partait de la ligne et montait de façon oblique vers la droite, puis arrêt, décroché pour faire la boucle, et – le plus dur – nouveau passage par le point de décroché pour revenir jusqu’à la ligne du bas. Pas si évident, mais cela donne une jolie silhouette au e, celle-là même, finalement, qui est reprise par sa forme scripte avec la barre latérale qui le coupe. Eh bien, c’est trop difficile pour nos enfants. On leur demande maintenant une simple boucle, comme celle du l, mais en plus petit.
Cette obsession de la simplification
On apprenait aussi à commencer les lettres rondes par une attaque, un petit trait qui reliait la lettre ronde (a, c, q, g…) à la ligne du bas, pour que tout s’enchaîne de façon fluide (d’où le nom de la fameuse « cursive », de curro, is, ere, cucurri, cursum = courir). Ça aussi, c’est supprimé.
Si l’on veut être cynique, on dira que toutes ces réformes n’auront guère d’incidence, étant donné que la plupart des jeunes ont déjà une écriture pratiquement illisible, faute d’exigence et de rigueur dans l’apprentissage au cours des premières années.
Ce qui me gêne, ce n’est pas que l’on décide de modifier nos lettres. Après tout, nous ne les formons ni comme les Allemands, ni comme les Anglais, c’est une donnée culturelle et toute donnée culturelle est appelée à évoluer avec le temps. Ce qui m’arrête, ce sont les raisons que l’on avance pour justifier ces changements, cette prétendue volonté de « simplification ». L’école est par essence le lieu de l’apprentissage de la complexité. Elle ne doit pas avoir l’obsession de la simplification et abaisser progressivement toutes ses ambitions. On avait déjà abandonné le dessin, le bricolage, la couture, tout ce qui développait la motricité fine et l’attention. Il restait l’écriture cursive. On avait supprimé les pleins et les déliés, on a ensuite supprimé la plume, puis même le stylo-plume, interdit dans la plupart des écoles. On finira peut-être par supprimer les mains…

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Boulevard Voltaire

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