[Une prof en France]
Virginie Fontcalel
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Le Chêne et le Roseau
[Une prof en France]
Je parle de la grande danse de la carpette que nos directeurs font devant quelques parents revendicatifs.
Allez, voilà, le cirque commence.
Je ne parle pas de la formation du gouvernement. Je ne parle pas des errances de notre diplomatie. Non. À ma toute petite échelle de petit professeur du petit collège d’une petite ville de province, je parle de la grande danse de la carpette que nos directeurs font devant quelques parents revendicatifs.
« Un parent d’élève qui m’informe que vous tiendriez des propos totalement proscrits »
J’ai en effet trouvé vendredi, dans ma boîte professionnelle, un petit mot de mon principal. Je vous le livre tel quel : « J’ai reçu un message de la part d’un parent d’élève qui m’informe que vous tiendriez des propos totalement proscrits dans le cadre d’un représentant de l’État et indigne de la part d’un enseignant de la fonction publique.
Aussi, je souhaiterais évoquer cette situation avec vous pour avoir votre version sur ces allégations.
Je vous demande de vous présenter à mon bureau le lundi 13 octobre à 10h00 à mon bureau. »
Bien évidemment je suis fort agacée.
La première chose qui m’agace est qu’un petit homme incapable d’écrire trois phrases en français correct et devant mettre une phrase en gras pour renforcer le ton comminatoire de son propos soit mon supérieur hiérarchique et ait de l’autorité sur moi. Je ne suis pas naïve au point d’imaginer que la supériorité hiérarchique, dans quelque structure que ce soit, soit corrélée à un quelconque surplus de compétences, mais les claques répétées que nous donne le réel pour nous rappeler son existence et ses dysfonctionnements sont toujours pénibles.
La deuxième chose qui m’agace est que la parole des parents diffamants soit reçue telle quelle par la direction et qu’on nous demande systématiquement, à nous, de nous justifier, comme si en 25 ans de carrière dans l’Éducation nationale nous n’avions pas une conscience assez précise de ce que l’on peut dire en classe et de ce que l’on doit éviter de dire. Chacun d’entre nous, qu’il adhère à la doxa dominante ou non, pourrait contribuer à un dictionnaire « français réel – langage de prof », rempli de bienveillance, d’euphémismes et d’autocensure. C’est le manuel de survie de base.
À ce sujet — Bal tragique des cocus à l’Élysée : un mort…
La troisième chose qui m’agace est que je vais devoir passer devant le tribunal du Politbüro en plein milieu de six heures de cours avec ces petits chéris-bibis, avec lesquels je devrai rester souriante et rassurante alors même que l’un d’eux a fabriqué le psychodrame dans lequel mon directeur et son adjointe se sont enferrés.
Aveuglement et hypocrisie de l’institution
Je me demande quand même comment on peut s’aveugler au point de penser que nos élèves soient en mesure de rapporter de façon fiable les propos d’un professeur… Eux qui ne savent absolument pas qui est Molière (2 réponses sur 20 à cette question, lors du contrôle) alors que nous en parlons depuis un mois et demi ; eux qui, après six semaines passées sur l’Odyssée, écrivent : « Ulyse est très intiligent. Ulyse est aimet par beaucoup de gens. Ulysse est doux est au combat », « Les caractéristique peut être comme : imense, plusieurs ou un seul oeil ou monbre de corp », « Les Muses sont instrument de guerres », « Le cyclope ai monstrueux à son visage et moralment aussi », et donc, en résumé, le Cyclope est « cruelle il na 1 neille ».
Un de ces élèves a considéré des propos que j’aurais tenus en classe, dont il a évidemment perçu non seulement le sens, mais aussi les nuances, l’intention et la portée, comme « indignes d’un représentant de la fonction publique », et notre directeur me convoque illico presto… Cela ressemble à une farce. Est-ce celui qui a dit, la semaine dernière, à sa voisine « ferme ta chatte » ou celui qui a proposé à ma collègue d’espagnol, en début de semaine, de « la lui mettre dans la bouche » ?
N’avions-nous pas entendu nos ministres – je ne sais plus lesquels, tant la valse est rapide – répéter inlassablement leur soutien indéfectible aux enseignants et redire à quel point la nation leur faisait confiance et était derrière eux ?

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Boulevard Voltaire

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